« Tout ce que je fais, je le fais vite et mal, de peur de cesser trop tôt d’en avoir envie », écrivait Paul Morand dans Ouvert la nuit. Souvent, l’écrivain-diplomate a montré quelle part il y avait en lui du Pierre Nioxe de L’Homme pressé. Aussi n’a-t-il jamais beaucoup attendu. Ni les honneurs professionnels, ni les succès – littéraires, mondains, féminins. Tous, vite acquis et consommés. Une vivacité que disaient parfaitement l’économie de son style, ses formules coupantes et son goût des bolides onéreux.
L’Académie française a été la seule à le faire vraiment lambiner. Fidèle à Vichy, il avait perdu « sa guerre » ; erreur payée d’un exil en Suisse et, en 1959, du veto gaullien opposé à son entrée sous la Coupole. L’attente durera dix ans. Dans Immortel, enfin, Pauline Dreyfus narre sa prise du Quai Conti menée à bien à l’été et à l’automne 1968. Morand a alors 80 ans mais ses appétits ne sont pas émoussés. Las ! La cuisine électorale académicienne ne vaut pas mieux qu’une autre. De beaux esprits la mitonnent ; elle n’en laisse pas moins un goût amer. D’Ormesson, Vialatte, Déon, Paulhan, Nimier, Mauriac, Romains, etc. Amis et ennemis hantent les pages de Pauline Dreyfus et redonnent vie au dernier Morand, quand « l’amant de la grand-route » s’est mué en Académicien… Élection lapidée sitôt acquise dans son Journal inutile : « L’Académie : j’ai l’impression d’arriver au dernier acte d’une pièce dont j’ai raté le début ».
Immortel, enfin, de Pauline Dreyfus
(Grasset).
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